La Capoeira est à la fois lutte, danse, art martial, jeu athlétique et folklore. Mais elle est également musique, chant, rythme, rituel, un langage qui permet à chacun de s’exprimer, de communiquer.
Pour comprendre ce qu’est la Capoeira il faut s’intéresser d’un peu plus près à l’histoire du Brésil. En effet, l’histoire de la Capoeira se confond avec celle du Brésil.
Le Brésil a été officiellement découvert le 22 avril 1500 avec l’arrivée des portugais dans la baie de Bahia. En débarquant, les portugais sont tombés nez à nez avec les indigènes. Ces derniers sont devenus les premiers esclaves du Brésil. N’étant pas suffisamment nombreux, les portugais commencèrent à faire venir des africains. C’est ainsi que commença la traite des Noirs au Brésil. Ainsi, non seulement les portugais, mais également les espagnols, les anglais et les hollandais ont participé au commerce d’esclaves noirs au Brésil de 1530 à 1850. Durant cette période, les négriers ont transportés plus de 6 millions de captifs venus du continent Africain et notamment du Mali, du Congo, de Guinée, du Mozambique, d’Angola et du Bénin vers le Brésil.
L’esclavage au Brésil a donc commencé avec le début de la colonisation et a pris officiellement fin le 13 mai 1888 grâce à la Princesse Isabel.
Les conditions de vie des esclaves n’étaient pas très pacifiques et ils étaient bien souvent obligés de se battre contre leurs oppresseurs. Mais afin d’éviter toute rébellion, les esclaves ne pouvaient s’adonner à aucune forme de lutte. C’est donc ainsi qu’est née la Capoeira ; lutte camouflée en danse…
Après un voyage cauchemardesque où les africains étaient enchaînés dans des cales immondes et bondées, ils arrivèrent à destination. Là, traités comme des animaux inférieurs, ils furent vendus comme esclaves. Peu à peu, ils firent la connaissance de leurs compagnons d’infortune : un guitariste américain, un boxeur anglais, un sambiste brésilien, un percussionniste africain, un pratiquant de yoga indien, un philosophe français, un acteur de théâtre japonais, un acrobate chinois et un Xavante de l’Amazone, lutteur de uca-uca. Le temps passe, et pendant leur captivité, chacun d’eux va absorber la culture des autres. Leurs fils et les fils de leurs fils naissent et grandissent dans cette ambiance de culture hétérogène et d’esclavage. Puis, un jour surgit quelque chose de nouveau : un mélange des différentes sortes de luttes, danses, acrobaties, musiques, philosophies et théâtres : la Capoeira, synthèse, mélange de divers types de luttes, danses, rituels et instruments de musique venus de différentes parties d’Afrique. C’est ainsi que les esclaves africains trouvèrent une façon de se défendre face à leurs oppresseurs.
C’est pourquoi, au Brésil, aux alentours de 1814, la Capoeira ainsi que d’autres formes d’expressions culturelles africaines commencèrent à être réprimées et persécutées par les seigneurs blancs.
Jusqu’à cette date, les manifestations culturelles nègres étaient permises, et même encouragées. D’une part, elles servaient de soupape de sécurité dans le régime de l’esclavage ; et d’autre part, comme elles mettaient en évidence les différences entre les divers groupes africains, c’était « diviser pour mieux régner ».
Mais en 1808, Napoléon Bonaparte envahit le Portugal, et le roi portugais, Dom João VI, s’enfuit vers le Brésil avec toute sa cour. Les nouveaux venus sentirent la nécessité de détruire la culture d’un peuple pour le conquérir. Et la Capoeira, ainsi que le reste de la culture nègre, fut l’objet d’une répression dont le processus allait culminer en 1890, avec une loi ordonnant sa prohibition (Premier code pénal de la République, chap. XII, article 402).
Dom João VI, les nobles et les intellectuels de sa cour pensaient avoir de bonnes raisons de persécuter la Capoeira :
- Elle donnait aux Africains et à leurs descendants la conscience de leur nationalité différente de celle des seigneurs blancs ;
- Elle donnait confiance en soi à chaque capoeiriste ;
- Elle renforçait les liens à l’intérieur de petits groupes ;
- Elle formait des lutteurs agiles, dangereux et insolents ;
Il arrivait que dans le jeu, les esclaves se meurtrissent, ce qui était économiquement indésirable.
La Capoeira a donc commencé à se marginalisée. Elle fut donc officiellement mise hors la loi par le Premier code pénal de la République, en 1890. Dans le Rio du XIXème siècle, la Capoeira prend l’aspect de bandes de Noirs et d’hommes pauvres de toutes les couleurs, armés de couteaux et de rasoirs, se promenant dans les rues en groupes désordonnés ; on pouvait y voir aussi des individus isolés, également craints et connaisseurs en habiles techniques corporelles. La répression des capoeiristes commença donc et devint brutale. Au XIXe siècle, alors que les marginaux prenaient soin de se cacher, la Capoeira gagnait en notoriété. Les apparitions de la Capoeira dans les fêtes populaires renforçaient son prestige aux yeux de la population. Les capoeiristes ayant joués un rôle essentiel dans certaines révoltes liées à l’abolition de l’esclavage. La répression de la Capoeira atteignit son apogée entre 1920 et 1927, avec le célèbre Escadron de Cavalerie et l’action du commissaire de police « Pedrito » de Azevedo Gordilho. A Bahia, pendant la période de la marginalité, entre 1900 et 1930, la Capoeira ressemblait déjà à ce que nous pratiquons aujourd’hui.
C’est à Bahia qu’apparait un personnage fondamental dans l’histoire et le développement futur de la Capoeira : Manoel Dos Reis Machado plus connu sous le nom de Mestre Bimba. Il mélangea la Capoeira traditionnelle avec le Batuque (lutte brésilienne pratiquée par son père), le Karaté, le Jiu Jitsu et le Judo et créera une nouvelle Capoeira qui sera appelée « Capoeira Régionale ». Il fut le premier dans les années 1930, à ouvrir une académie de Capoeira et à l’enseigner. Comme pour la plupart des disciplines sportives, une méthode d’enseignement est élaborée (ce qui n’avait jamais été le cas auparavant, la Capoeira s’apprenait par observation et imitation). Les cours de Capoeira commencent par un échauffement, puis on enseigne des mouvements, et même des enchaînements de plusieurs mouvements. La Capoeira Régionale ressemble ainsi beaucoup aux autres arts martiaux. Il semble que la Capoeira, pour être légalisée, devait passer par ce processus de transformation en une pratique académico-sportive.
Aux XIXème et XXème siècles, jusqu’à la révolution créée par Mestre Bimba, les hommes jouaient soit dans leurs vêtements de travail, lors de rodas improvisées, soit dans leurs jolis habits dominicaux, si la rencontre se produisait un dimanche ou un jour de fête. Aucun signe extérieur de l’appartenance au monde de la Capoeira n’était arboré : rien ne devait faciliter l’identification des capoeiristes par la police. Mais depuis la légalisation de la Capoeira, les joueurs de Régionale conservent leur abada (uniforme de Capoeira) durant la roda, jouent très souvent torse nu et toujours pieds nus. Mestre Bimba a défini le type d’uniforme blanc, toujours en vigueur dans la plupart des académies.
L’Estado Novo de Getùlio Vargas (président du Brésil en 1934) jouera également un rôle prédominant dans la transformation de l’image de la Capoeira, et plus largement des manifestations afro-brésiliennes. En annulant en 1934 le décret de loi interdisant la Capoeira et la pratique de cultes afro-brésiliens, Vargas espère d’une part récupérer des voix, et d’autre part, parvenir à contrôler ces manifestations qui, désormais autorisées, ne se pratiqueront plus dans la rue mais à l’intérieur d’institutions. En 1953, lorsque le Président Getúlio Vargas rencontre le fameux Mestre Bimba, il déclare la Capoeira unique sport véritablement national du Brésil.
A partir de ce moment, de nombreux groupes de Capoeira se crées, possédant chacun sa philosophie, sa façon de l’enseigner, son organisation propre. Du fait de son histoire, la Capoeira n’est donc pas un sport comme les autres et elle n’est donc pas régit par une fédération comme les autres arts martiaux. Elle prône la liberté et se veut ainsi flexible et ouverte. Cependant chaque groupe possède ses règles et sa hiérarchie et est très contrôlé.
La Capoeira est proclamée sport national en 1972 par la Federação Brasileira de Pugilismo. C’est aussi l’époque où les premiers maîtres partent vers les Etats-Unis et l’Europe pour y donner des cours ou présenter des spectacles. Depuis, la Capoeira a conquis le monde entier puisqu’elle se trouve sur les 5 continents et est représentée dans presque tous les pays du monde. Elle porte la culture brésilienne avec elle et la fait connaître à travers le monde. Elle permet également d’unir les personnes. C’est ainsi qu’en Israël on peut voir dans une ronde de Capoeira des juifs, des musulmans, des chrétiens, des israéliens et des palestiniens « joués » ensemble et oubliés toutes les différences qui les séparent au quotidien.
Les professeurs de Capoeira brésiliens sont donc partis ainsi à la conquête du monde. Aujourd’hui il existe des professeurs de Capoeira étrangers (européens, asiatiques, américains, etc) qui a leur tour enseigne la Capoeira.